Une vision du langage XBRL

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Cet article a préalablement été publié en anglais le 01/07/2013. Toutes les citations directes doivent être confrontées à leur version originale en anglais.

Dans les tours et les couloirs de Francfort et de Bruxelles, on a une vision, celle d’un canal unique et direct dédié aux reportings d’entreprises destinée aux instances de contrôle européennes. A travers ce canal, les données pertinentes  sont centralisées, agrégées, rendues  anonymes et remises en forme pour les autorités nationales et européennes ainsi que pour la BCE – dans le cadre de leur besoin de supervision, de pilotage et d’analyse macro-prudentielle.  Le déclarant, qu’il s’agisse d’un assureur ou d’une banque, enverra un ensemble de rapports électroniques à son superviseur au plan national et le système fera le reste. Tout ceci sans qu’une intervention humaine ne vienne « polluer » les données durant l’acheminement. Et en temps réel.
L’outil principal de cette grande vision est le Langage extensible pour les rapports financiers – XBRL (eXtensible Business Reporting Language).
Frankfurt 4Il ne s’agit, bien sûr, que d’une vision. Il faudra du temps pour qu’un objectif aussi ambitieux soit atteint, s’il l’est un jour. Pourtant, l’initiative XBRL en matière de reporting en Europe est liée à cette vision.

XBRL Solvabilité II

Dans le monde de Solvabilité II, une autre étape majeure vers cet objectif ambitieux a été franchie le 27 mars, quand l’Autorité́ européenne des assurances et des pensions professionnelles a publié la taxonomie pour le rapport de mesures provisoires.
Pour l’instant, les entreprises ne sont pas tenues d’utiliser XBRL, c’est seulement une obligation pour les autorités nationales de surveillance (ANS) et l’Autorité́ européenne des assurances et des pensions professionnelles (ou encore l’Autorité Bancaire Européenne et l’Autorité européenne des marchés financiers). Cependant, on s’attend à ce que les entreprises y trouvent un intérêt et adoptent XBRL, le moment venu, pour leur propre usage.

Travailler avec l’Autorité Bancaire Européenne

Le secteur bancaire a joué un rôle pionnier pour XBRL en Europe. L’Autorité Bancaire Européenne, par le biais d’un groupe bénévole appelé Eurofiling, a collaboré à l’élaboration d’une nomenclature pour la présentation des rapports FINREP et COREP du secteur bancaire pendant un certain temps. Dès que XBRL a été choisi comme format de transfert des données pour Solvabilité II, l’Autorité́ européenne des assurances et des pensions professionnelles a rejoint le groupe pour accroître son travail de coordination avec l’Autorité Bancaire Européenne (Solvency II Wire, le 10 février 2012).
« Notre préoccupation première est de développer la nomenclature et de la préparer au niveau de l’Autorité́ européenne des assurances et des pensions professionnelles », a indiqué Patrick Hoedjes, le directeur des opérations de l’Autorité́ européenne des assurances et des pensions professionnelles, dans une interview accordée à Solvency II Wire. « La deuxième priorité consiste à avoir une nomenclature qui soit coordonnée avec l’Autorité Bancaire Européenne. Nous avons un forum commun afin de nous tenir au courant des développements et de nous assurer que nous sommes en phase sur nos nomenclatures. Nous nous coordonnons également avec l’Autorité européenne des marchés financiers et le projet LEI (Identificateur d’Entités Légales). Mais jusqu’à présent nous avons surtout un rôle d’observateurs. »
L’architecture des nomenclatures de l’Autorité Bancaire Européenne et de l’Autorité́ européenne des assurances et des pensions professionnelles est maintenant très étroitement alignée, selon Derek De Brandt, gérant associé chez Aguilonius et président du groupe de travail d’harmonisation COREP / FINREP / SOLVENCY II à XBRL Europe. « Le principal travail en suspens en dehors de l’attente d’une décision politique sur Omnibus II, est la standardisation d’une composante de syntaxe XBRL pour la présentation des affichages tabulaires. Ce travail est imminent. »

Le travail avec la BCE

Frankfurt 8La collaboration s’étend aussi à la BCE. Les deux organismes ont étroitement collaboré pour réduire les redondances dans les exigences relatives à la production de rapports pour les sociétés d’assurance (Solvency II Wire, 22 mai 2013). Ces derniers mois, la BCE s’est fortement engagée auprès des autorités de surveillance européennes, tant sur ses exigences relatives aux déclarations que sur les formats de livraison des données.
La BCE utilise les « Données statistiques et l’échange de métadonnées »(SDMX) pour sa collecte et son analyse interne des données. XBRL, comme SDMX, est basé sur le langage XML, mais des différences fondamentales existent dans la structuration des données, en raison des différences d’objectifs de chacun de ces formats. SDMX convient surtout à la livraison des données statistiques, c’est-à-dire à des ensembles de données relativement plus petits et présentant une forte récurrence. XBRL, au contraire, a été conçu pour fournir des informations plus fines et détaillées.
« En dépit de ces différences, il sera possible que ces standards  fonctionnent de manière très étroite voire connectée directement  », a déclaré Michal Piechocki, président-directeur général du BR-AG. Un exemple de ce type de connexion est déjà présenté : la nomenclature des Statistiques sur les bilans et les taux d’intérêt (statistiques des bilans et des taux d’intérêt) XBRL est étroitement alignée sur la codification SDMX correspondante.
Un certain nombre de solutions ont pu être utilisées pour échanger les informations entre XBRL et SDMX. « Faciliter le transfert de l’information exigerait un rapprochement entre les définitions des activités économiques et une connexion au niveau informatique. Les deux sont réalisables », a indiqué M. Piechocki.
Hoedjes estime que l’adoption de XBRL peut se concrétiser par une convergence du contrôle bancaire sur l’ensemble de l’UE. « Nous devons aussi voir quel sera l’impact de l’union bancaire ou du mécanisme de surveillance unique mis en place à la BCE. Il exploitera probablement les informations collectées par l’Autorité Bancaire Européenne, ce qui implique que XBRL sera introduit à la BCE, et je pense que ce serait une bonne évolution. »
EIOPA 3« Je pourrais envisager que le mécanisme de surveillance unique utilise XBRL, ce qui signifie qu’il entrerait de facto dans les systèmes de la BCE, augmentant les possibilités d’autres synergies de développement des systèmes entre Institutions européennes de surveillance. »

Détails sur la nomenclature de l’Autorité́ européenne des assurances et des pensions professionnelles

La nomenclature de l’Autorité́ européenne des assurances et des pensions professionnelles en est à un stade avancé et l’Autorité́ européenne des assurances et des pensions professionnelles projette de publier à la fois la nomenclature complète de Solvabilité II et un sous-ensemble destiné aux mesures provisoires quand la version finale des Directives sera publiée en automne. « La nomenclature préparatoire constituera un sous-ensemble de la nomenclature finale parce que nous ne voulons pas de divergence entre les deux. Il pourrait y avoir une légère divergence selon la forme de l’ensemble final de rapports prévu pour Solvabilité II, mais cela ne devrait pas constituer un ensemble différent », a indiqué M. Hoedjes.
La production d’une nomenclature complète est également conforme à l’objectif de l’Autorité́ européenne des assurances et des pensions professionnelles d’utiliser les mesures intérimaires en phase de préparation pour les règles finales. « Nous voulons notamment publier les deux nomenclatures parce que nous voulons également donner aux entreprises la possibilité d’opérer une mise en œuvre simplifiée, même si elles ne doivent en rendre compte que partiellement », a ajouté M. Hoedjes.

XBRL (outil) pour  le plus grand nombre

Bien que les déclarations sur XBRL ne soient pas actuellement obligatoires pour les entreprises, l’Autorité́ européenne des assurances et des pensions professionnelles tient à promouvoir l’utilisation de sa nomenclature et de XBRL en général. « Nous voulons utiliser la phase préparatoire comme une occasion pour les sociétés et les autorités de surveillance de se préparer, mais également comme une manière d’introduire progressivement XBRL et notre nomenclature dans le monde réel », a indiqué M. Hoedjes.
À cet effet, l’Autorité́ européenne des assurances et des pensions professionnelles prévoit de lancer un outil de reportings xbrl  (Tool for Undertakings XBRL) pour les entreprises d’ici la fin de l’année. L’outil, qui est conçu pour les PME et pour les autorités nationales de surveillance, aidera à générer des Rapports au format  XBRL. M. Hoedjes a tenu à souligner qu’il n’était pas destiné à remplacer les solutions du marché, mais simplement à faciliter une prise en main de XBRL.
Le développement de l’outil XBRL est représentatif de ce que certains considèrent comme un défi important pour l’Autorité́ européenne des assurances et des pensions professionnelles, et par certains aspects pour l’Autorité Bancaire Européenne, à savoir garantir son adoption réussie par les autorités nationales de surveillance et les acteurs du marché.
Pour Anne Leslie-Bini, responsable du Développement International à Invoke, il est important que l’Autorité́ européenne des assurances et des pensions professionnelles vise un grand nombre dans l’adoption de XBRL à travers l’Europe. « L’Autorité́ européenne des assurances et des pensions professionnelles a un rôle clé à jouer en encourageant une mise en œuvre harmonieuse de Solvabilité II dans les différents pays, et cela implique le fait d’encourager le plus possible les superviseurs nationaux et les sociétés réglementées à adopter XBRL. L’outil XBRL de l’Autorité́ européenne des assurances et des pensions professionnelles est un geste adressé au marché pour aider à faciliter ce processus. »
Mme Leslie-Bini estime que la réussite de l’adoption de XBRL dépendra en grande partie de l’approche des superviseurs nationaux. « Nous constatons actuellement que, dans certains pays comme la France et les Pays-Bas, l’intérêt des superviseurs a été déterminant ; ces superviseurs incitent activement les acteurs à utiliser le standard. Dans d’autres pays, le marché a été laissé libre de trouver les solutions appropriées. »

Une Adoption timide outre-Atlantique

XBRL n’est pas exempt de critiques. L’enthousiasme des agences européennes peut, en partie, être lié à l’accueil timide qu’a reçu XBRL aux États-Unis où il a été utilisé par la Commission des Opérations de Bourse (SEC) et la Société fédérale d’assurance-dépôts (FDIC).
Frankfurt 6Le SEC a introduit la déclaration obligatoire sur XBRL des informations relatives aux états financiers en 2009 ; un programme facultatif ayant fonctionné depuis 2005. L’utilité des données de XBRL pour les investisseurs et les analystes a été remise en cause dans une étude récente par des universitaires du Centre d’Excellence pour la Comptabilité et l’Analyse de Sécurité (CEASA) de la Columbia Business School.
Dans l’étude Évaluation de l’état actuel et futur d’XBRL et des données interactives pour investisseurs et analystes, Trevor Harris et Suzanne Morsfield soutiennent que, dans le cas de la SEC, « d’elles promesses de l’XBRL étaient importantes et décevantes dans la réalité » jusqu’à présent ; xbrl présente le risque de devenir obsolète pour la plupart des analystes et investisseurs, à moins que leurs inquiétudes ne soient prises en compte.
Tandis que ces auteurs affirment que l’initiative a réussi à fournir des informations librement disponibles sur les données déclarées, ils émettent de « nombreuses réserves » au sujet de son avenir, à moins que les dépositaires n’améliorent l’utilité et la qualité des données. Des questions sont également posées sur la simplicité et la stabilité de la nomenclature et sur le manque d’outils destinés à aider l’utilisateur à tirer le meilleur parti des données.
Pour que XBRL réussisse et pour réduire le taux d’erreurs, les chercheurs concluent que « le développement de la technologie XBRL doit être repris et mené par des techniciens, plutôt que par des comptables ou des régulateurs. »
L’expérience de la SEC présente un contraste important avec celle d’autres agences aux USA. En 2005, la FDIC, en association avec le Bureau du Contrôleur de la monnaie et le Système de la Réserve Fédérale, ont introduit XBRL aux fins de la production de rapports réglementaires, ce qui est passé quasiment inaperçu.
Selon un rapport de 2006 réalisé par les agences, l’introduction de XBRL a eu pour conséquence une amélioration marquée de la qualité et de la ponctualité des données déclarées. La proportion de données propres s’est améliorée en passant de 66 % à 95 %, et 100 % des données reçues répondaient aux exigences mathématiques,  à comparer à 70 % avant l’introduction de XBRL. L’accès aux données et aux entrées a également augmenté de manière significative tandis que la productivité du personnel s’est accrue, lui permettant de traiter de 10 % à 33 % de cas supplémentaires.
Frankfurt 7Ces chiffres sont impressionnants tant par leur portée que par la rapidité avec laquelle ils ont pris effet. Alan Deaton, directeur adjoint par intérim de la branche des statistiques, Division FDIC de l’Assurance et de la Recherche, a confirmé que ces constats étaient toujours valables aujourd’hui. « XBRL a joué un rôle significatif dans l’amélioration de la précision et de la qualité des données en apportant un support aux mutations de nos process et à la circulation de l’information entre les régulateurs et les entités déclarantes », a-t-il ajouté.

Toute la question porte sur les utilisateurs finaux

La différence primordiale entre les expériences de la SEC et de la FDIC réside dans le public visé par chacun d’eux et dans l’utilisation proposée. Le rapport de la SEC est destiné à un large éventail de participants du marché tandis que le rapport de la FDIC est conçu pour une audience réglementaire strictement définie. Cette dernière est beaucoup plus proche du scénario européen.
En dépit de ces différences, certaines leçons importantes sont à tirer pour l’Europe. Suzanne Morsfield, co-auteure du rapport du CEASA, a déclaré à Solvency II Wire : « Une des principales leçons tirées de l’expérience du rapport de la SEC a été le besoin de comprendre le plus possible comment les utilisateurs finaux utiliseront les données. »
Il était également important d’obtenir un bon équilibre entre les comptables et les techniciens, a-t-elle ajouté. « Il est essentiel de réunir les meilleures idées et de s’assurer qu’aucune partie ne domine le processus. »
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Alternatives au XBRL

XBRL n’est pas le seul jeu sur le marché. Il existe d’autres formats d’échange de données et d’autres innovations dans les domaines apparentés, comme les analyses de mégadonnées (Big data) ou les ontologies sur le Web, qui peuvent s’appliquer.
Selon Mme Morsfield, la décision d’utiliser XBRL dans un cadre règlementaire ou autre, par opposition à des solutions plus simples pour structurer les données et les rendre directement exploitables et interactives, doit être prise avec prudence. Les « autorités de contrôle ne doivent pas penser que XBRL est toujours la seule solution, ou la meilleure, pour cet objectif final. À notre avis, des données structurées directement exploitables doivent être fournies aux autorités de contrôle. La question qui demeure est celle du meilleur format pour le transfert des données. »
L’Autorité́ européenne des assurances et des pensions professionnelles reconnaît les limites de XBRL. Comme M. Hoedjes l’a expliqué : « Du point de vue du consommateur de l’information, XBRL par lui-même n’a pas réglé les problèmes persistants de sémantique, de qualité, de granularité et de comparabilité des données disponibles. Le fait de traiter correctement ces problèmes a été considéré comme primordial dans l’esprit des superviseurs, avant même que nous ayons choisi XBRL comme élément  de base sur lequel nous allions réaliser la supervision des reportings  »

La vision et vous

Qu’en est-il de cette grande vision d’un canal unique pour les rapports ? Tout comme Solvabilité II l’a fait pour la gestion des risques, « cette vision »mis en avant les débats  sur les formats de transfert des données et est devenue un catalyseur en matière de réflexion sur des données structurées directement exploitables. Et tout comme pour Solvabilité II, son destin demeure inconnu.
Pour l’instant, les entreprises doivent considérer que la vision est bien vivante. « Une fois que Solvabilité II sera en place, l’idée est que l’Autorité́ européenne des assurances et des pensions professionnelles publie ses directives sur l’utilisation de XBRL par les entreprises », a indiqué M. Hoedjes. « Alors que la décision reste en dernier ressort du niveau national, elles doivent encore répondre pour se conformer ou s’expliquer. »
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Cet article a préalablement été publié en anglais le 01/07/2013. Toutes les citations directes doivent être confrontées à leur version originale en anglais.
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