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Cet article a préalablement été publié en anglais le 21/02/12. Toutes les citations directes doivent être confrontées à leur version originale en anglais.
‘Systema Naturæ: Per Regna Tria Naturæ, Secundum Classes, Ordines, Genera, Species, Cum Characteribus, Differentiis, Synonymis, Locis’, a été publié en 1758 par le botaniste suédois Carolus Linnaeus. Le livre introduit une classification du monde naturel en trois règnes, l’animal, le végétal et le minéral, que nous utilisons encore aujourd’hui. Il est considéré comme la genèse de la taxonomie scientifique moderne.
Les entreprises venant à bout des modèles de rapport Solvabilité II pour la gestion d’actifs seraient jalouses d’une taxonomie si universellement acceptée. Elles doivent fournir les détails de chacun des titres et de leurs émetteurs pour tous les actifs qu’elles détiennent en portefeuille. Cela se révèle fastidieux car elles opèrent dans un univers d’investissement complexe, qui est articulé autour de plusieurs systèmes d’identification des actifs, et qui doit, parfois, sembler aussi chaotique et aléatoire que le monde naturel avant que Linnaeus ne l’organise selon sa taxonomie.
Il y a 170 cases dans les neuf modèles de rapports afférents à la gestion d’actifs présentés par l’AEAPP dans la consultation sur le reporting du 3e pilier (CP009) publiée en novembre dernier. D’aucuns estiment que près de la moitié d’entre elles ne pourraient pas être remplies parce que les informations ne sont pas facilement disponibles, ne sont pas actuellement recueillies de façon systématique, ou simplement n’existent pas.
Test des modèles
L’AEAPP a reçu environ 6 000 observations d’environ 60 parties intéressées à l’ensemble de la consultation. Bien que les modèles doivent encore être testés de façon extensive, il est possible d’avoir un aperçu de la façon dont ils pourraient fonctionner en pratique à partir d’un essai à blanc effectué par RSA à l’automne 2011.
L’exercice reposait sur les modèles publiés dans le cadre d’une consultation informelle en janvier 2011 et sur le projet de texte de niveau 2 de février 2011. Les conclusions du groupe, en particulier sur le reporting afférent à la gestion d’actifs, font écho à de nombreuses préoccupations soulevées par des gestionnaires d’actifs.
« Au niveau de notre secteur d’activité, nous commençons à disposer d’un dossier de reporting cohérent et je dirais que nous connaissons maintenant de 80 à 90 % de ce que nous aurons à effectuer au final », dit David Innes, responsable du capital économique chez RSA, en charge du Programme Solvabilité II de RSA. « Il n’y a pas grand-chose qui soit à revoir dans le dossier de reporting, mais il existe un certain nombre de difficultés très pratiques variables selon le type de pays, d’entreprises, de secteurs d’activité et d’expériences. »
RSA est un groupe d’assurance non-vie qui compte 16 entités dans l’EEE et opère dans 130 pays. Au moment de l’essai à blanc, les actifs en portefeuille détenus par le groupe sont constitués de près de 80 % d’obligations, de 8 % d’actions, de 7 % de liquidités et, pour le solde, de biens immobiliers, de produits structurés et d’autres avoirs.
Incohérences révélées
L’essai à blanc a mis en lumière un certain nombre d’incohérences dans les définitions et dans la terminologie concernant l’ensemble des modèles de rapport. « Certains formulaires, par exemple, portent sur l’année de sinistre tandis que d’autres portent sur l’année de souscription », a déclaré M. Innes. « Cela peut sembler une question mineure, mais si vos systèmes sont tous paramétrés pour fournir des informations par année de sinistre, les convertir de sorte à prendre en compte l’année de souscription pourra s’avérer coûteux et fastidieux. »
M. Innes a indiqué qu’ils avaient également trouvé des divergences dans le glossaire général, même si celles-ci étaient parfois dues à des différences nationales. « Un terme pourra être utilisé avec une certaine signification dans un formulaire donné et avec une signification légèrement différente dans un autre formulaire. Ou bien la signification qui a été assignée à ce terme ne correspond pas à la signification communément admise. Ou bien cela pourrait être la signification communément admise en Allemagne par exemple, mais elle pourra être légèrement différente au Danemark. »
Par exemple, le groupe a observé que lorsque des sinistres RBNS (déclarés/non réglés) sont signalés, cela peut être compris comme des sinistres en suspens provisionnés uniquement, ou comme des sinistres en suspens provisionnés plus des sinistres IBNER (encourus mais insuffisamment déclarés). Selon M. Innes, ces incohérences soulignent l’importance d’avoir une taxonomie et un dictionnaire communs.
Modèles de rapport pour la gestion d’actifs
Dans le cas des modèles de rapport pour la gestion d’actifs (modèles Assets D1 à D6), le groupe a observé que le reporting concernant un grand nombre d’entités contribuait également à la confusion « Ce qu’une entité pourrait appeler ‘Exchequer 10 % 2014’, quelqu’un d’autre dans une autre entité pourrait l’appeler ‘Exchequer 10 % 14 » dit M. Innes. « Donc si j’ai dix entités dans le groupe, il se pourrait que le même actif soit listé sous diverses appellations, avec des différences parfois subtiles. Mais la situation est encore pire si vous essayez ensuite de le faire sur l’ensemble du secteur, ce qui est l’un des objectifs de stabilité financière », a-t-il ajouté.
Le groupe a également constaté que le fait d’opérer au niveau mondial amplifiait encore le problème. Selon Roni Ramdin, responsables du sous-projet sur les communications d’informations dans le cadre de Solvabilité II chez RSA : « dans le cas des données afférentes aux actifs, il y avait un grand nombre de champs qui ne pouvait pas être renseignés en raison de l’absence d’homogénéité entre les différents pays. Nous sommes un groupe international et nous devions également obtenir des informations provenant de territoires en dehors de l’EEE. »
Identification des actifs
Les difficultés rencontrées au cours de l’essai à blanc font écho aux observations faites par d’autres acteurs à travers l’industrie et mettent en évidence l’absence d’un système international unifié unique d’identification et de classification des actifs. En l’absence d’un tel système, les assureurs et les gestionnaires d’actifs s’appuient sur un certain nombre de codes commerciaux tels que les codes CUSIP, ISIN ou les codes écran Bloomberg. Ils peuvent en outre utiliser un système d’identification interne, au lieu de, ou en parallèle à l’un des systèmes reconnus au niveau international.
Aucun système unique ne couvre la totalité de l’univers d’investissement sur l’ensemble des lieux géographiques, ni ne permet de classer les différentes entités émettrices. Les modèles requièrent des déclarants qu’ils identifient le type de Code d’identification utilisé (Assets D1 – cellule A4 & A5) mais cela n’aide guère à résoudre d’éventuelles incohérences.
Identification de la contrepartie
Les modèles de rapport requièrent également l’identification de la société mère ultime de l’émetteur et des contreparties éventuelles (Assets D1 – cellule A7 (liste)), afin d’aider à évaluer le risque de défaillance et de concentration. Ici aussi il n’y a aucun identificateur unique communément accepté.
Dans sa réponse à la consultation de l’AEAPP, le groupe de travail Solvabilité II de l’ICMA, un organisme sectoriel représentant les professionnels de la gestion d’actifs, a déclaré que : « actuellement, chaque fournisseur de données gère ses données de façon isolée, ce qui crée des différences et des incohérences entre les fournisseurs. » Le groupe de travail a souligné la nécessité de disposer de données standard pour les émetteurs, ce qui « permet aux professionnels de satisfaire aux exigences de qualité et d’assurer l’exhaustivité, l’exactitude et la pertinence [du reporting]. »
Un certain nombre d’initiatives ont été mises en place par le secteur d’activité au niveau mondial afin de créer un système d’identification des actifs et des contreparties plus uniforme et plus cohérent, notamment le « Legal Entity Identifier » (LEI), visant à créer un code d’identification unique pour les personnes morales engagées dans des opérations financières. L’initiative a été approuvée par les ministres des Finances et les dirigeants du G20, le Conseil de stabilité financière et elle a le soutien de nombreuses instances de régulation et d’associations professionnelles dans le monde entier. GFMA a pris l’initiative d’élaborer une recommandation approuvée par l’ensemble du secteur pour proposer une solution LEI mondiale.
Un fichier de test des identificateurs d’entité juridique provisoires a été publié en janvier de cette année. Il est toutefois peu susceptible d’être intégré dans le processus de reporting Solvabilité II actuel et il vise uniquement à identifier les personnes morales mais pas les titres pris individuellement.
Codes d’identification complémentaires
L’AEAPP a introduit une table de Codes d’identification complémentaires (CIC) avec les modèles de rapports. Le code combine les caractéristiques et l’exposition au risque d’un actif donné, permettant aux superviseurs d’effectuer différentes agrégations et de procéder à des analyses par catégories de titres. Il pourra également contribuer à éliminer certaines des incohérences en matière d’identification des actifs en cas d’utilisation par différents déclarants. Toutefois, il ne contribue guère à leurs efforts en matière de reporting puisque le CIC nécessite toujours un code d’identification des actifs, de type ISIN ou CUSIP.
Quoique la table CIC soit unique à l’AEAPP, elle est compatible avec la classification utilisée par l’ABE. « Le CIC ne doit pas être considéré comme un identificateur mondial car il ne permet pas d’identifier un actif isolé, mais recourt à différentes agrégations par classe d’actifs », a dit l’AEAPP à Solvency II Wire.
« Cependant, a ajouté l’AEAPP, le code CIC est compatible avec celui utilisé par l’ABE, ce qui signifie qu’il est possible de réaliser une table de transposition entre CIC et CFI (Classification of Financial instruments – ISO 10962). »
Données provenant de l’approche par transparence
L’identification des actifs et des émetteurs est d’une grande importance pour assurer le reporting dans le cadre de l’approche par transparence des fonds d’investissement. Parmi toutes les exigences de reporting concernant la gestion d’actifs, et éventuellement toute la gamme des activités relevant de Solvabilité II, la transparence s’avère l’une des plus controversées.
Le groupe de travail de l’ICMA a soulevé un certain nombre de questions concernant la complexité et le coût d’un reporting détaillé ligne à ligne par transparence. Il préconise au lieu de cela un reporting sur base agrégée. « La complexité croissante des transactions sur titres et de la gestion d’actifs, impliquant souvent plus d’un pays,est de nature à empêcher la récupération des données dans le temps imparti et à nuire à la cohérence du format des données… qui sont nécessaires à la transparence », a-t-il déclaré dans sa réponse à la consultation.
Le groupe de travail a également noté des difficultés en matière de reporting des informations sur les contreparties et les sociétés mères afférentes aux actifs des fonds d’investissement, notamment des fonds de fonds et des fonds de fonds spéculatifs.
Nelly Cotelle, co-secrétaire du groupe de travail Solvabilité II de l’ICMA a dit à Solvency II Wire que : « dans le cas de portefeuilles importants et diversifiés, obtenir des informations sur la structure de contrôle jusqu’à la société mère ultime afin d’identifier toutes les expositions n’est pas facilement réalisable. Tout d’abord, parce que ces informations peuvent évoluer en fonction d’opérations telles que des fusions et acquisitions. Ensuite, tous les fournisseurs de données ne produisent pas les mêmes résultats concernant la structure de contrôle d’un émetteur donné. »
« La multiplication des sources aboutit à des résultats différents et crée des incohérences, ce qui pourra empêcher les régulateurs de surveiller correctement les risques », a-t-elle ajouté.
Toutefois, Mme Cotelle a fait observer que jusqu’alors, le groupe de travail n’avait pas eu connaissance de recherches qui se seraient directement traduites par un accroissement de la complexité et des coûts d’un processus de reporting détaillé. « Pour le moment, ces questions sont discutées par différents groupements sectoriels, telles que le groupe de travail de l’ICMA. Les acteurs sectoriels sont demandeurs de plus d’orientations réglementaires afin de mettre en œuvre une réponse appropriée. »
Données sur les collatéraux
Le régulateur demande aussi des informations par transparence sur les actifs détenus dans le cadre d’activités de prêt / emprunt de titres ou reçus à titre de garanties (Assets D6). L’essai à blanc de RSA a révélé des difficultés similaires sur la façon de remplir ces formulaires, surtout lorsque les actifs étaient détenus par un dépositaire.
Selon M. Ramdin, les informations disponibles de la part du dépositaire sont limitées, ce qui s’est traduit par le fait que certaines parties du formulaire n’ont pas pu être renseignées ou que seules des informations agrégées ont pu être fournies. « Nous savons que nous avons des paniers d’actifs apportés en garantie représentant un certain pourcentage de ce que nous avons prêté. Mais nous ne connaissons pas la composition de ces paniers car elle change tous les jours. Donc nous pouvons seulement dire que nous avons un panier de gilts (emprunts d’Etat du Royaume-Uni) et d’obligations d’entreprises, par exemple, pour un certain montant. Il n’y a pas moyen de faire autrement. Nous demandons dans notre réponse à l’AEAPP qu’elle veuille bien confirmer que cela est acceptable », a déclaré M. Ramdin.
Les exigences de reporting du 3e pilier de Solvabilité II concernant la gestion d’actifs mettent en évidence la nécessité d’un système unifié d’identification à la fois des actifs et des émetteurs. Compte tenu de la complexité des marchés mondiaux et de la cohabitation de plusieurs systèmes d’identification, cela pourrait bien rester un vœu pieux. Mais comme la tendance mondiale va dans le sens de donner aux régulateurs plus d’informations pour la surveillance macro-jurisprudentielle, l’heure est peut-être venue de doter l’univers d’investissement de son propre ‘Systema Naturæ’.
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Cet article a préalablement été publié en anglais le 12/02/12. Toutes les citations directes doivent être confrontées à leur version originale en anglais.
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