Réflexions pratiques sur ORSA

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Cet article a préalablement été publié en anglais le 22/03/2015. Toutes les citations directes doivent être confrontées à leur version originale en anglais.
ORSA demeure un défi unique pour Solvabilité II et probablement la composante la plus importante de la Directive. L’obligation d’évaluer tous les risques sur une base continue et de façon prospective s’avère plus contraignante que prévu initialement.
Beaucoup pensent que le texte de la Directive relative à l’ORSA est la seule partie de Solvabilité II qui s’attache plus à des principes qu’à des règles prescriptives. Ajoutez à cela le fait que deux évaluations ORSA ne sont jamais similaires (souvenez-vous le mantra : le « O » d’ORSA correspond au mot anglais « Own » [interne en français]) et on comprend à quel point la réalisation d’un ORSA « conforme » est subjective.
En décembre 2014, un groupe d’experts de l’Association des assureurs mutuels et des coopératives d’assurance en Europe (AMICE) se sont réunis pour partager quelques mesures concrètes et chercher résoudre un certain nombre de problèmes concernant la conception et la mise en œuvre de leur ORSA.

Appétence au risque : commencez ici

Selon Mathieu Filippo, cadre supérieur en charge du contrôle prudentiel chez Achmea, une société d’assurance mutuelle néerlandaise, le point de départ de l’ORSA doit être de définir l’appétence au risque. L’appétence au risque peut être simplement définie comme le risque maximum qu’un assureur est disposé à prendre ; cela inclut les risques financiers et les risques non financiers.
Practical thoughts about the ORSA 2Achmea utilise une série de propositions concises sur l’appétence au risque, permettant de définir l’appétence au risque de l’entreprise pour l’ensemble de ses différentes branches d’activité. Ces propositions sont par exemple : « Nous voulons avoir un coussin de capital de ’X’ millions d’euros au-dessus du SCR » pour le risque de fonds propres, ou « Nous voulons avoir une marge de sécurité de 30 jours avant d’utiliser des lettres de crédit » pour le risque de liquidité.
Pour décrire l’appétence au risque non financier, ils utilisent des propositions du genre : « Les produits sont transparents et proposent des solutions répondant aux besoins des bénéficiaires de nos polices » concernant la qualité des produits, par exemple. Des propositions similaires sont utilisées pour définir l’engagement vis-à-vis des clients : « Nous sommes compétents en tant que société et nous assumons nos responsabilités. »
M. Filippo a expliqué qu’il était important que les propositions soient rédigées clairement et simplement, de sorte à ce que le reste de l’entreprise puisse les comprendre. « Les propositions doivent être très explicites, a-t-il ajouté. Tout le monde doit comprendre les propositions, qui doivent être répercutées en aval, au niveau de la branche d’activité et au niveau des services. »

Adoptez une stratégie multipolaire

Tout au long du processus de conception et de mise en œuvre de l’ORSA, il convient de garder à l’esprit qu’il s’agit d’un concept nouveau pour les parties prenantes en interne aussi bien qu’à l’externe.
Virginie Le Mée, directrice des risques à la MACSF, une société d’assurance mutuelle française, a tenu à souligner que tout au long du processus de développement du programme Solvabilité II et de l’ORSA, ils ont dû rappeler en permanence à toutes les personnes concernées que beaucoup de choses avaient changé.
« Il y a dix ans, nous parlions de provisions techniques et nous n’utilisions que des modèles déterministes. Nous utilisons désormais des modèles stochastiques, ce qui représente de fait un saut qualitatif au niveau de nos compétences et de nos pratiques », a-t-elle expliqué aux délégués. Le changement a également nécessité d’adopter de nouveaux outils pour mettre en œuvre l’ORSA.
La MACSF a employé une stratégie multipolaire pour mettre en œuvre l’ORSA. Mme Le Mée a expliqué que la première étape consistait à définir les objectifs de l’organisation et à définir ensuite la stratégie et les étapes nécessaires pour atteindre ces objectifs. Ensuite, il a été procédé à une évaluation des risques et des contraintes susceptibles d’empêcher l’organisation d’atteindre ses objectifs. Enfin, il est nécessaire de mettre en place la gouvernance appropriée et les bons outils afin de piloter et de surveiller l’ensemble du processus.
Mme Le Mée a également souligné combien il était important de communiquer avec toutes les parties prenantes tout au long du processus. « Nous devions être en mesure de communiquer à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise sur notre stratégie, sur nos plans et sur la façon d’obtenir l’adhésion de l’ensemble de l’organisation. Nous avons maintenant une politique d’infrastructure avec des outils qui sont très différents de ce qu’ils étaient auparavant : désormais, nous avons une source unique de données, nous pouvons projeter les données sur un univers réel et sur un univers de probabilités risque-neutre. Cela signifie que nous sommes en mesure de projeter un bilan en fonction de différents types de risques et aussi de comprendre comment des risques peuvent affecter les fonds propres de la société. »
 

Méfiez-vous du deuxième impact des chocs

L’une des parties intégrantes de l’ORSA, que les organismes de régulation examineront probablement en détail, est le test de résistance et les actions prévues par la direction en réponse à ces chocs. Alina vom Bruck, Risk Manager à la société d’assurance mutuelle allemande Gothaer, a mis en exergue deux points à prendre en compte lors du choix et de la conception des tests de résistance permettant de jauger la résilience de l’entreprise.
Practical thoughts about the ORSA 1Tout d’abord, les scénarios doivent être à la fois sévères et plausibles. « Si vous testez la résistance à un choc très sévère, dont la direction ne pense pas qu’il puisse se produire, aucune mesure ne sera prise à son encontre et votre test sera juste un exercice de calcul », a déclaré Mme vom Bruck. Le test de résistance doit concerner un choc dont la fonction risque et la direction pensent qu’il risque de se produire dans le futur, ou bien qui est étayé par des faits antérieurs, par exemple de sévères fluctuations du marché.
Une fois que vous avez sélectionné les tests de résistance appropriés, il vous faut prendre en compte les effets de second ordre de ces chocs.
Mme vom Bruck souligne que si une entreprise est souvent en mesure de survivre à l’effet de premier ordre, les effets de second ordre durent souvent plus longtemps et ont un impact plus important. Par exemple, un changement de taux d’intérêt initial pourra être géré, alors qu’il sera plus difficile de gérer un changement prolongé.
 

Le rapport ORSA

Il y a une relation interactive et dynamique entre le processus ORSA et le rapport ORSA. Alors que le rapport devra refléter les résultats de l’ORSA, il est inévitable qu’une partie du processus soit influencé par la structure du rapport.
L’association danoise Gensidig Forsikring a conçu un rapport de risque qui était initialement utilisé dans le cadre d’exigences réglementaires locales, mais qui a pu être transformé en rapport ORSA. Susan Lund, secrétaire générale de Gensidig Forsikring explique que le rapport rassemble toutes les données existantes et qu’il peut être utilisé à titre de rapport ORSA. « C’est un moyen de faciliter les décisions du conseil et de lui permettre de garder une vue d’ensemble de ce dont ils sont responsables. C’est donc un moyen d’analyser et de structurer des informations existantes. »
Le rapport couvre des domaines tels que le modèle économique, l’univers des risques de l’organisation, les écarts entre l’évaluation du risque et l’exigence de solvabilité, l’analyse de sensibilité et le test de résistance, ainsi que la relation entre le risque, les fonds propres et le plan d’urgence fonds propres.
Mireille Aubry, responsable des normes Solvabilité II chez Covéa, une société d’assurance mutuelle française et animatrice de la session, a fait remarquer que l’expérience française récente a montré que les organismes de supervision souhaitaient un rapport traitant des résultats et non un copié-collé du rapport au superviseur (RSR). Mme Aubry faisait référence aux commentaires de l’ACPR, l’organisme de supervision français, concernant l’exercice ORSA effectué en septembre dernier.
Romain Paserot, directeur du contrôle des assurances et chef de projet Solvabilité II à l’ACPR, a expliqué aux délégués que l’équilibre entre les informations techniques et l’aperçu stratégique n’était pas toujours idéal dans les rapports remis l’an dernier. Bien qu’il y ait eu de nombreux motifs de satisfaction dans les quelque 400 rapports ORSA présentés au cours de l’exercice, l’organisme de supervision a observé que certains rapports ORSA avaient été rédigés comme s’il s’agissait d’un exercice de conformité et qu’ils ne comportaient pas suffisamment d’information sur les actions et améliorations futures à mettre en œuvre.
L’APCR a relevé d’autres domaines qui mériteraient plus d’efforts, parmi lesquels l’obligation d’évaluer la solvabilité de la compagnie au-delà du seul SCR. Dans certains cas, il n’était pas fait usage de toutes les informations disponibles. Par exemple, les résultats des études ALM (gestion actif-passif) et la conception de la couverture de réassurance.

ORSA et la dette souveraine

La discussion s’est conclue par un échange sur certaines questions de mise en œuvre pratique. L’animatrice a posé une question sur le traitement de la dette souveraine européenne dans l’ORSA. La décision d’attribuer un coût du capital de zéro pour cent à cette classe d’actifs dans le cadre de Solvabilité II est un sujet qui fait débat depuis longtemps. Alors que la mise en œuvre est de plus en plus proche, et étant donné que la dette souveraine est une composante de base du portefeuille d’investissements des assureurs, il est nécessaire de trouver une solution pratique concernant la différence entre l’exigence réglementaire et la réalité économique.
Mme Aubry a expliqué que ce qui était préoccupant concernait moins le risque de défaut de l’État que la gestion du risque de spread des obligations. Elle a demandé aux participants comment ils géraient cela et s’ils considéraient qu’inclure un spread de risque sur les emprunts d’État dans le cadre de l’ORSA constituait une déviation significative par rapport à la Formule Standard ?
À l’occasion d’échanges parfois intenses qui ont également impliqué des membres du public, les participants ont étudié un certain nombre de solutions qu’ils utilisaient ou envisageaient d’utiliser. Certains ont déclaré qu’ils incluraient les obligations d’État au titre du risque de spread dans l’ORSA et qu’ils utiliseraient probablement des paramètres de stress réduits. À ce stade, ils n’avaient toutefois pas décidé des paramètres.
Une autre option était d’utiliser la modélisation stochastique afin de modéliser le risque de spread de la même façon que d’autres facteurs de risque, tels que l’inflation, les taux d’intérêt et le taux de croissance, étaient modélisés.
Il a également été suggéré que le spread sur différentes dettes souveraines soit surveillé mais sans affecter de fonds propres en contrepartie du spread. Au lieu de cela, un plan serait mis en place pour  diversifier l’allocation ou désinvestir de la dette souveraine au cas où le spread deviendrait supérieur à la tolérance au risque de l’organisation.
La question de savoir si l’une quelconque de ces stratégies risquait d’être considérée comme une déviation importante par rapport à la Formule standard est restée sans réponse. Bien qu’il eût été observé qu’il n’avait jamais été de l’intention d’aucun assureur de s’écarter de la Formule standard, il était évident qu’il s’agissait là d’un sujet de préoccupation qui n’était plus seulement théorique alors que l’ORSA prenait de plus en plus d’importance dans les travaux consacrés par les entreprises à Solvabilité II.
 

Les défis proposés par l’ORSA

Les sociétés mutuelles d’assurance font face à un certain nombre de défis qui sont spécifiques, mais pas nécessairement exclusifs au secteur. La majorité des assureurs mutualistes sont de petites entreprises locales, alors que la mise en œuvre de Solvabilité II favorise clairement les grandes entreprises qui peuvent bénéficier d’économies d’échelle, en particulier dans les domaines tels que le reporting où de nouveaux investissements sont nécessaires.
Les sociétés mutuelles d’assurance peuvent également avoir des structures de direction différentes (autre que le traditionnel conseil d’administration unique) et, en raison de leur taille, avoir une personne assumant plusieurs fonctions clés distinctes, ce qui est une pratique déconseillée dans Solvabilité II.
Il est certain que les principes d’importance relative et de proportionnalité vont rentrer en ligne de compte à ce niveau. Toutefois, en ce qui concerne l’ORSA, les mutuelles sont confrontées aux mêmes défis que les assureurs commerciaux : comment concevoir et intégrer la gestion du risque avec des exigences de fonds propres dans le cadre d’un processus qui doit permettre de gérer l’entreprise.

Solvabilité II, le temps de la mise en œuvre ! Séminaire AMICE, 5 décembre 2014, Paris
Practical thoughts about the ORSA 3
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Cet article a préalablement été publié en anglais le 22/03/2015. Toutes les citations directes doivent être confrontées à leur version originale en anglais.
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