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Cet article a préalablement été publié en anglais le 13/04/2012. Toutes les citations directes doivent être confrontées à leur version originale en anglais.
Solvabilité II va introduire deux niveaux d’exigence réglementaire en matière de fonds propres : le critère de Capital Mininum Requis (ou MCR) et le critère plus tolérant de Capital de Solvabilité Requis (ou SCR). Dans la mesure où le non-respect du second critère entraînera une sanction réglementaire moins sévère, l’AEAPP craint que les acteurs du marché interprètent à tort cela comme un « assouplissement » de la position du régulateur. L’AEAPP reconnaît la nécessité de sensibiliser les acteurs du marché au fait qu’un non-respect du SCR est un système d’alerte précoce et non une « balise de détresse ».
Une échelle d’intervention réglementaire
Le MCR correspond à une mesure minimale absolue qui, en cas de non-respect, déclenchera une intervention réglementaire lourde et pourra entraîner la fermeture de l’entreprise. Le SCR en revanche est un niveau cible que l’entreprise doit chercher à atteindre. Le non-respect du SCR sera considéré par le régulateur comme un indice de la dégradation de la solidité financière d’une entreprise et il interviendra pour veiller à ce que l’entreprise prenne les mesures appropriées pour restaurer le SCR. « L’intervalle » entre les deux exigences de fonds propres donne lieu à la mise en place d’une échelle d’intervention de surveillance, qui constitue la pierre angulaire d’un système fondé sur le risque et privilégiant la prévention.
Un manquement est un manquement, est un manquement…
Toute mesure définie, qu’elle soit de nature réglementaire ou autre, peut facilement devenir un point de comparaison. Les préoccupations du régulateur sont donc compréhensibles. Le Capital de solvabilité requis est défini comme « le montant éventuel des fonds propres qui serait consommé par des évènements importants inattendus dont la probabilité de survenance sur un horizon d’un an serait de 0,5 % ». Le MCR reprend les mêmes dispositions, mais la probabilité de survenance est de 15 % sur un horizon d’un an.
Le SCR est censé représenter une mesure globale de tous les risques importants auxquels l’entreprise est confrontée. De ce fait, il est fort possible que le secteur soit amené à ne tolérer aucun manquement. « Un manquement du SCR ne sera probablement pas vu par les analystes de marché comme une ‘alerte précoce’ » prévient Omar Ripon, directeur chez Mazars.
Ripon estime, que bien que le SCR ne constituera pas le seul indicateur de performance en matière de risque utilisé par les analystes pour évaluer la rentabilité et la solidité financière, il sera très important. « Le SCR est susceptible de constituer un indicateur clé dans l’avenir simplement parce qu’il représente une mesure de risque ‘intégrée’ qui prend en compte les risques qualitatifs et quantitatifs auxquels sont confrontés les assureurs. Sont notamment pris en compte des facteurs tels que les décisions de gestion et les risques opérationnels, en plus des risques assurantiels et d’investissement principaux. Un manquement au critère de SCR peut signifier que l’équipe dirigeante a pris de mauvaises décisions en matière de gestion du risque et indiquer une dégradation du niveau de fonds propres résultant d’autres insuffisances majeures. »
Le fait que les entreprises, en particulier les plus grandes d’entre elles disposant d’un modèle interne, aient consacré beaucoup de temps et de ressources à se préparer à Solvabilité II contribuera à cette attitude, et cette mesure de risque intégrée dominera, de l’avis de M. Ripon, la façon dont est considérée la situation financière d’un assureur. « On peut s’attendre à ce que, pour le moins au début jusqu’à ce que le marché soit mieux éduqué, il y ait quelques mauvaises interprétations des chiffres du SCR. »
Le SCR dans un contexte plus large
Le SCR est susceptible d’être examiné dans le cadre d’un ensemble de paramètres utilisés pour évaluer la situation financière d’une compagnie d’assurance. L’agence de notation Fitch a déclaré qu’elle prendrait acte du SCR mais qu’elle formerait sa propre opinion de la société. « Les fonds propres réglementaires anticipent rarement sur que sera la note d’une entreprise, mais nous regarderons le SCR ne serait-ce qu’en tant qu’indicateur » a dit David Prowse, Directeur principal chez Fitch. « Dans le cas où la mesure de solvabilité réglementaire se détériorerait très soudainement, c’est un signal d’alerte que nous étudierons selon notre propre approche. »
Prowse a observé que, à bien des égards, Solvabilité II officialisera un processus qui existe déjà dans le cadre du système réglementaire actuel. « En effet, nous disposons actuellement d’un critère de MCR dans le cadre de Solvabilité I. Il y a juste une mesure unique et claire, avec un taux de couverture minimum de 100 %. Mais en plus de cela, il y a une échelle d’intervention qui donne lieu à différentes mesures en coulisse. Si le taux de couverture se dégrade de façon significative, les régulateurs auront des discussions privées avec les assureurs bien avant que leur taux de couverture ne tombe en deçà du seuil réglementaire. »
Mais même si le fait que le taux de couverture du SCR passe temporairement en deçà du seuil réglementaire pourra n’avoir aucun effet direct sur l’évaluation faite par l’agence, cela pourra se répercuter sur un certain nombre d’instruments d’emprunt et avoir une incidence significative sur la note de l’entreprise.
Selon le dernier avis disponible de l’AEAPP (CP 46 – sous l’ancienne dénomination de CECAPP), il est nécessaire, pour que des instruments d’emprunt soient imputés au niveau des fonds propres durs (« Tier 1 ») et complémentaires (« Tier 2 »), que le paiement des dividendes et des coupons soit suspendu tant que le critère de SCR n’est pas respecté.
Dans le cas des fonds propres durs (« Tier 1 »), la reprise des paiements ne pourra pas être rétroactive, et dans le cas des fonds propres complémentaires (« Tier 2 »), les paiements suspendus ne pourront être repris qu’avec le consentement du superviseur. Cela, selon M. Prowse, devrait avoir des répercussions significatives sur la note d’une entreprise à la fois au moment où les paiements sont suspendus et de façon plus générale.
Regarder au-delà du SCR
Certains feront valoir toutefois que le non-respect du critère de SCR aura moins d’importance que la façon dont les fonds propres existants se situent par rapport à la nouvelle exigence de fonds propres. L’accent sera mis sur le coussin de fonds propres de la société (au-delà du SCR) lors de l’entrée en vigueur de Solvabilité II et sur les variations de ce coussin au fil du temps.
« Appréhender le SCR est beaucoup plus complexe que la simple observation d’un chiffre, si vous voulez vraiment comprendre la situation de la société » a commenté Ludovic Antony, Directeur, Conseil aux établissements financiers, chez SGCIB. Il pense qu’examiner la performance d’une entreprise par rapport à ses pairs sera beaucoup plus critique sous Solvabilité II et que le ratio de solvabilité jouera un rôle clé dans ce processus.
Solvabilité II permettra de faire une analyse différenciée plus fine entre les entreprises qui présentent des niveaux de capitalisation similaires selon Solvabilité I. Un ratio de solvabilité de l’entreprise, à savoir le montant des fonds propres détenus au-delà du SCR, sera d’abord évalué. Lorsque Solvabilité II entre en vigueur, cela voudra dire que, littéralement du jour au lendemain, les ratios de solvabilité auront changé, alors que la situation financière des entreprises sera restée la même. « La première étape consistera à comparer les ratios de Solvabilité II avec ceux de Solvabilité I et de comprendre les écarts », a expliqué M. Antony.
« Notre conviction profonde est que, pour de nombreuses compagnies d’assurance-vie, par exemple, les ratios de Solvabilité II seront supérieurs à ceux de Solvabilité I, en particulier en raison de l’intégration de la Valeur du portefeuille (« Value In Force ») au niveau des fonds propres durs (‘Tier 1’).»
M. Antony croit que les ratios de Solvabilité II permettront d’établir une nouvelle référence ultime pour le secteur. « Ce qui comptera alors dans un environnement concurrentiel sera comment les entreprises se compareront avec leurs pairs et avec le secteur, et pas seulement le fait qu’une entreprise respecte ou non son critère de SCR. »
Les acteurs du marché examineront également la sensibilité de ces nouveaux ratios de solvabilité. « En fait, nous observons qu’en général, les ratios de Solvabilité II sont beaucoup plus volatils que ceux relevant de Solvabilité I », a ajouté M. Antony.
Cela veut dire que les sociétés pourront être soumises à une surveillance plus approfondie en cas d’une détérioration significative du ratio de solvabilité ou d’une baisse de ses fonds propres par rapport à la situation précédente bien avant qu’elles ne respectent plus le critère de SCR. Que la volatilité soit causée par des facteurs temporaires (par exemple, une envolée temporaire de la volatilité implicite des options) ou par des pertes sévères dues à des défaillances ou à des catastrophes naturelles sera également un point crucial.
L’exposition à de nouveaux dommages et les perspectives de redressement par rapport à la situation courante seront également prises en compte. Des facteurs tels que la capacité à mettre en œuvre des mesures de limitation des pertes (« stop losses ») en cas d’insolvabilité de l’assureur et la possibilité d’augmenter les primes pour restaurer la rentabilité et reconstituer les réserves seront pris en compte.
« Ce qui est susceptible d’être beaucoup plus significatif que le non-respect du critère de SCR, conclut M. Antony, c’est simplement la ‘dérive’ du ratio de solvabilité, c’est-à-dire sa propension à fluctuer d’une valeur à une autre en fonction de la conjoncture économique, et la capacité des entreprises à repartir de l’avant après une période de crise. »
Examen des pairs plus approfondi
Dans ce contexte, Solvabilité II va permettre une comparaison plus approfondie entre les entreprises que Solvabilité I. « Par exemple, deux sociétés d’assurance-vie peuvent avoir un ratio Solvabilité I similaire, a expliqué M. Antony, mais si la compagnie A a mis en place des protections (ayant acheté des options de vente d’actions, ou des swaptions receveuses pour gérer les risques actions et de taux d’intérêt) et a accumulé des réserves importantes « cachées » dans le passé, au contraire de la compagnie B, Solvabilité II reflétera cela au niveau des ratios de solvabilité et de leur volatilité. La compagnie A est susceptible d’avoir un bien meilleur ratio de solvabilité et une volatilité moindre que la compagnie B, surtout si les instruments de couverture sont proches de la monnaie. »
« Je pense donc qu’il y aura beaucoup plus de discrimination entre les entreprises et que nous serons à même d’identifier les entreprises gagnantes et les entreprises perdantes beaucoup plus facilement que nous pouvions le faire dans le contexte de Solvabilité I, surtout lorsque la conjoncture est mauvaise », a-t-il ajouté.
Se reconcentrer sur le SCR en cas de crise
En effet, les périodes de crise pourraient recentrer l’attention sur le SCR comme une mesure unique. L’expérience montre que la pertinence de l’étude des pairs et de l’analyse comparative augmentera en période de perturbation extrême du marché. C’est exactement ce qui s’est passé durant la crise de 2008 quand le seuil minimal de fonds propres réglementaires défini par la Directive sur les groupes d’assurance (IGD) a concentré toute l’attention.
Alors que l’intérêt pour les chiffres de l’IGD grandissait, Fitch a commencé à étudier si les grandes compagnies d’assurance géraient leurs activités sur cette base. La plupart des répondants ont dit qu’ils utilisaient la mesure comme un outil grossier pour recueillir des informations à des fins réglementaires et qu’ils appréhendaient les fonds propres sur la base d’autres critères. « Toutefois, au fur et à mesure que la crise s’intensifiait, l’attention se concentrait de plus en plus sur la mesure de l’IGD », dit M. Prowse. « C’était parce que cette mesure était un chiffre que les médias et les analystes s’y sont raccrochés. Vous avez vu cette émulation parmi les principaux acteurs du marché, les incitant à communiquer des chiffres largement au-dessus des normes de l’IGD. Vous pouvez donc facilement imaginer que la même chose se passera avec Solvabilité II ».
Le régulateur donnera le ton
Que ce soit le SCR ou le ratio de solvabilité qui devienne le centre d’attention dans le contexte de Solvabilité II, il semble que la façon dont les acteurs du marché appréhenderont et traiteront un non-respect du critère de SCR dépendra en grande partie de l’attitude du régulateur vis-à-vis de la nouvelle exigence de fonds propres.
Kevin Ryan, analyste assurance chez Investec Securities est convaincu qu’interpréter une défaillance relève plus d’une explication claire de l’exigence réglementaire que d’une formation intrinsèque. « Ce qui est à même de satisfaire un organisme de régulation et ce qui est acceptable par une tierce partie commerciale cherchant à faire affaire avec l’entité d’assurance soumise à régulation pourront être deux choses totalement différentes. La quantité de données qui seront rendues publiques n’est pas encore clairement définie, mais les analystes et les autres utilisateurs se feront certainement leur propre opinion sur une situation donnée. »
Les détails du dialogue avec le régulateur resteront toujours aussi, sinon plus importants qu’auparavant dans le nouvel environnement réglementaire. Sonja Zinner, directrice chez Fitch, a expliqué qu’une partie du dialogue continu de l’agence avec les entreprises est consacrée à la compréhension de leurs discussions avec le régulateur. « S’il y a une intervention sérieuse et s’il y a des discussions évoquant la suspension d’une nouvelle activité ou une liquidation, ce qui serait très grave, cela aura bien évidemment une incidence sur les notations. »
Les acteurs du marché peuvent-ils être éduqués ?
Malgré les efforts du régulateur, le simple fait d’introduire une modification suffit à provoquer des troubles et de la confusion. Carlos Montalvo, Directeur exécutif de l’AEAPP a observé que Solvabilité II représentait « un changement culturel majeur » au niveau de la supervision des sociétés d’assurance. Si l’histoire récente a quelque chose à nous enseigner, il pourra s’avérer difficile d’éduquer les acteurs du marché.
« Tout changement et toute nouvelle forme de déclaration ne feront que compliquer les choses, au moins à court terme. Je pense que c’est inévitable », a commenté M. Prowse. « Nous avons constaté que lorsque certaines compagnies sont passées à l’évaluation à la valeur de marché (dans le cadre du calcul de la MCEV), des chiffres beaucoup plus faibles ont été déclarés à la suite de cela. Ainsi, bien qu’aucun élément factuel n’ait été modifié, certains des chiffres soumis aux analystes et aux investisseurs se sont avérés différents et cela a créé quelques réactions de panique. »
Cependant, d’autres intervenants prétendent que tant que le SCR sera le pivot de Solvabilité II, il fera toujours l’objet d’interprétations erronées. Tom Wilson, directeur du risque chez Allianz a souligné que « même en faisant un effort conséquent en matière d’éducation, il est probable que le fait de ne pas respecter le seuil de 100 % du ratio de SCR sera considéré négativement par la communauté des analystes si le SCR reste le point central des informations divulguées au titre du 3e Pilier. »
« Le moyen le plus efficace pour atténuer ce risque, dit-il, serait de mettre l’accent principalement sur le MCR dans les informations divulguées au titre du 3e Pilier. Bien que cette pratique ne soit pas sans inconvénient, elle a été utilisée dans le passé, par exemple par l’AEAPP, lorsque celle-ci a annoncé les résultats du récent exercice de test de résistance. »
L’idée même d’éduquer les marchés est problématique, voire optimiste ou naïve. Les marchés se font leurs propres opinions, par eux-mêmes, sans qu’aucune « éducation » ou explication ne puisse les influencer ; les tentatives répétées de la zone euro pour calmer les marchés obligataires en sont un exemple concret. Mais Solvabilité II marquera le point de départ d’un changement culturel majeur dans la façon dont les compagnies d’assurance sont supervisées. Laisser aux seuls acteurs du marché le soin d’interpréter un cas de non-respect du critère de SCR pourrait ne pas être une bonne idée.
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Cet article a préalablement été publié en anglais le 13/04/2012. Toutes les citations directes doivent être confrontées à leur version originale en anglais.
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