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Cet article a préalablement été publié en anglais le 26/01/2015. Toutes les citations directes doivent être confrontées à leur version originale en anglais.
Depuis qu’il est devenu clair que la BCE allait demander aux assureurs de fournir des informations dans le cadre du reporting Solvabilité II, la question que se pose le secteur est la suivante : que veut la BCE, et est-ce que cela va se traduire par un nombre plus important de données à collecter et reporter ?
Mais avant de se plonger dans les détails et de lancer une énième solution de reporting qui amputera, encore plus les budgets, les compagnies et leurs responsables du reporting déjà bien débordés devraient s’arrêter un instant. Faire une pause… et se poser les deux questions suivantes : l’obligation de reporting de la BCE me concernera-t-elle et si oui, à qui devrai-je soumettre mon reporting?
Alors, et alors seulement, ils pourront commencer à s’intéresser à l’impact que les obligations de reporting à la BCE auront sur leur charge de travail.
Ce que veut la BCE
La BCE aspirait depuis un certain temps déjà à disposer des données des assureurs européens pour ses opérations relatives aux politiques statistiques et monétaires. Étant donné que le secteur représente environ la moitié des investisseurs institutionnels européens et que, suite à la crise financière, les besoins d’informations complémentaires se font de plus en plus criants, les assureurs avaient très peu de chance de pouvoir échapper aux radars du reporting réglementaire de la BCE.
En 2013 déjà, Henning Ahnert qui était alors Responsable de la Section statistiques monétaires et financières de la BCE, soulignait ainsi l’importance du secteur : « Les provisions techniques des sociétés d’assurance-vie constituent une partie importante du patrimoine financier des ménages ; c’est l’une des raisons de leur importance en matière de politique monétaire. Par ailleurs, en investissant dans des valeurs mobilières et des actions, les compagnies d’assurance constituent une source de financement importante pour d’autres secteurs de l’économie, tels que les sociétés non financières et les gouvernements. Le secteur de l’assurance est également intéressant en termes de stabilité financière, en particulier en ce qui concerne la part des actifs dans le bilan, compte tenu de la taille du secteur dans son ensemble. »
La mise en œuvre de Solvabilité II a été l’occasion d’élargir et d’officialiser le recueil des données actuellement opéré par la BCE auprès du secteur de l’assurance, qui était jusqu’à présent effectué de façon facultative et par l’intermédiaire des banques centrales nationales. Il a donc été décidé d’harmoniser les obligations de reporting statistique à la BCE avec les QRT requis par Solvabilité II.
La BCE a entamé des discussions approfondies avec l’AEAPP (et le secteur) en 2013. Une partie importante des travaux portait sur la façon de concilier les différents objectifs des deux institutions. La BCE est responsable de la politique statistique et monétaire, tandis que l’AEAPP est un organe de surveillance. Minimiser les doubles emplois et alléger les obligations déclaratives pesant sur les entreprises a été au premier rang des préoccupations. « Nous avons déterminé les informations qu’il nous est impossible d’obtenir à partir des états quantitatifs (quantitative reporting templates ou QRT) requis par Solvabilité II », a déclaré une source de la BCE à Solvency II Wire. « Nous avons donc défini ce que nous appelons les « compléments » (ou add-ons ) BCE. »
Les compléments BCE sont constitués d’une dizaine de données allant d’informations complémentaires relativement simples (telles que des dates et des prix) à la classification des actifs, en passant par les approches relatives au recueil des données. Du fait de leur caractère hétéroclite, leur intégration aux états requis par Solvabilité II exigera une certaine créativité.
« Nous n’allons pas incorporer les compléments BCE en tant que tels dans les QRT officiels, mais ils seront intégrés dans les flux de données définis par l’AEAPP », nous a expliqué notre source. La façon exacte dont cette intégration s’effectuera reste encore à finaliser.
QRT officieux
Les données demandées par la BCE sont définies dans le cadre du Règlement n° 1374/2014 de la BCE, publié le 28 novembre 2014 et entré en vigueur le 9 janvier 2015. Toutefois, le règlement ne définit que les exigences de la BCE en matière de recueil de données auprès des compagnies d’assurance ce qui rend lesdits compléments BCE difficiles à repérer dans le corps du texte.
« Le règlement ne défini que les exigences de la BCE. Il ne permet pas de voir ce que l’on peut obtenir exactement des reporting au titre de Solvabilité II. Ainsi, il n’est pas vraiment possible de déterminer les compléments BCE à la seule lecture du règlement. Pour ce faire, il faudrait consacrer un temps significatif à étudier les obligations de la BCE et les QRT. »
« Nous prévoyons de publier, courant février sur le site Internet de la BCE […], des QRT officieux contenant les compléments BCE. Selon les cas, nous inclurons probablement ces nouveaux éléments sous forme de nouveaux tableaux ou sous forme de cellules supplémentaires dans les QRT existants. Nous travaillons à cela en liaison avec l’AEAPP. »
Un porte-parole de l’AEAPP a déclaré à Solvency II Wire, que les compléments BCE seraient intégrés aux référentiels DPM (Data Point Models) et à la taxonomie mais qu’il était « trop tôt pour dire exactement comment cela se ferait ».
Les obligations de reporting à la BCE me concerneront-t-elles ?
Conformément au principe de proportionnalité et d’importance relative de Solvabilité II, l’AEAPP a proposé en 2012 un certain nombre de seuils relatifs aux reportings en matière de stabilité financière qui exemptent les entités les plus petites de l’obligation de reporting trimestrielle. À l’époque, il avait été estimé que ces seuils réduiraient d’environ 30 % le nombre d’entités soumises à déclaration.
Les seuils sont fonction de la taille (12 milliards d’euros d’actifs selon le bilan Solvabilité II), sous réserve d’atteindre un certain taux de couverture du marché (50 % de parts du marché national). Si l’ensemble des entreprises atteignant le seuil en taille représentent moins de 50 % des parts de marché, il appartient à l’Autorité nationale compétente (NCA) de décider des entreprises qui seront soumises au reporting.
Toutefois, à des fins de déclarations prudentielles, la Directive Solvabilité II (amendée par Omnibus II) stipule qu’une exemption n’est accordée qu’à partir d’une couverture minimale de 80 % de part du marché national concernant le reporting trimestriel et le reporting annuel détaillé. Il est donc possible que certaines entreprises qui auraient été exemptées des obligations de déclaration relative à la stabilité financière sur la base des seuils soient malgré tout tenues de fournir des informations à des fins prudentielles.
Cependant, le règlement de la BCE exige une couverture de 95 % du marché national concernant le reporting annuel. Cela élargit potentiellement le champ des entreprises susceptibles d’avoir à fournir des données à la BCE.
S’exprimant à Paris, en décembre dernier, à l’occasion d’une conférence de l’AMICE sur Solvabilité II, Ana Teresa Moutinho, Expert Principal Solvabilité II de l’AEAPP a déclaré : « Annuellement, la BCE impose une couverture de 95 % du marché. Cela va au-delà de l’exigence de 80 % de Solvabilité II concernant en matière de reporting annuel détaillé. Même si la NCA accorde une exemption sur la base de 80 % concernant le reporting annuel détaillé dans le cadre d’Omnibus II, la BCE peut encore demander que les entreprises effectuant une déclaration représentent 95 % du marché.
Un impact sur les pays n’appartenant pas à la zone euro
En raison de la nature quelque peu nébuleuse des compléments BCE, il est difficile de savoir exactement quels assureurs tomberont sous le coup de l’obligation de couverture du marché. Pour les entreprises situées à l’extérieur de la zone euro, l’incertitude sera encore plus grande puisque le règlement de la BCE ne s’impose pas à ces États membres.
La BCE a expliqué que, bien que le règlement ne s’impose qu’aux pays de la zone euro, il est possible que des pays en dehors de la zone euro adoptent également les exigences statistiques. « Par exemple, nous disposons maintenant d’une approche dite « court-termiste » pour faire en sorte que les pays envoient d’ores et déjà les statistiques des sociétés d’assurance dont ils disposent et que certains pays hors zone euro fassent de même. Il est possible que certains pays harmonisent leurs obligations statistiques avec le règlement de la BCE », a déclaré notre source de la BCE.
À qui dois-je adresser ma déclaration ?
Une fois qu’un assureur a établi qu’il était tenu de produire son reporting, il doit savoir où envoyer les données.
Une partie importante des travaux de l’AEAPP sur les informations à déclarer a été de veiller à ce que les entités déclarantes aient un flux de données unique pour déclarer à un seul et même organisme de collecte de données (la NCA). À cette fin, l’AEAPP a élaboré les QRT et le format XBRL. Mais, dans la mesure où le règlement de la BCE est destiné aux banques centrales nationales et non aux NCA (bien que, dans de nombreux cas, il s’agisse du même organisme), il appartient à la Banque centrale de décider de la façon de recueillir les données des assureurs et de les transmettre à la BCE.
« Le règlement de la BCE définit le schéma de reporting applicable à la compagnie d’assurance », nous a expliqué notre source à la BCE. « Le règlement est en outre rédigé de façon à permettre aux banques centrales nationales qui le souhaitent d’utiliser au maximum les reportings au titre de Solvabilité II . Mais elles peuvent également avoir un reporting statistique totalement distinct » Dans ces cas, il y aura deux canaux de reporting, un vers les superviseurs et un autre vers les banques centrales nationales »
« Nous sommes conscients que certains pays mettront en place une collecte à des fins purement statistiques sans utiliser les reportings au titre de Solvabilité II à des fins statistiques. Par exemple, s’ils disposent déjà d’un processus de reporting statistique opérationnel et qu’ils ne souhaitent pas élargir le reporting prudentiel de façon à englober le reporting statistique. Dans ce cas, il y aura deux canaux déclaratifs, l’un à destination des organismes de surveillance et l’autre à destination de la banque centrale nationale. »
En ce qui concerne le flux de transmission, aucune distinction n’est faite entre les pays de la zone euro et les pays hors zone euro. Il est possible que, même dans les pays de la zone euro, les assureurs effectuent deux types de transmission de données.
Description des compléments BCE
Comprendre l’impact total des compléments BCE sur la charge de travail déclarative des assureurs va bien au-delà des questions de périmètre et de flux de transmission. Il convient également de prendre en compte la nature intrinsèque des informations et de déterminer si ces informations sont différentes ou complémentaires des exigences de Solvabilité II. Ces compléments devraient être plus clairs avec la publication des « QRT officieux ».
Ci-dessous figure une liste non exhaustive détaillant le type d’informations qui seront exigées et expliquant les difficultés que peut représenter leur intégration dans le reporting Solvabilité II.
Dates d’émission
La BCE s’intéresse aux échéances initiales (informations sur la date d’émission des titres et des emprunts), ce qui n’est pas couvert par les déclarations au titre de Solvabilité II. La date d’émission est nécessaire afin de calculer l’échéance initiale de l’instrument en plus de sa maturité résiduelle, ce à quoi s’attache Solvabilité II.
Utilisation du SEC 2010 et de la NACE
Solvabilité II impose l’utilisation de la nomenclature NACE pour la classification des actifs, mais NACE n’est pas compatible avec les normes statistiques utilisées par le système de collecte et de contrôle statistiques de la BCE qui repose sur le Système européen des comptes (SEC 2010). Pour certains actifs, les assureurs devront fournir la classification SEC 2010 en plus de la classification NACE.
Informations sur le 2eme pilier des régimes de retraite
La BCE exigera également des informations sur les revenus de retraite liés à l’emploi (2e pilier des régimes de retraite). Ce pilier se divise en régimes de retraite à prestations déterminées, à cotisations déterminées et mixtes.
Notre source à la BCE nous a toutefois indiqué que l’obligation n’avait pas encore été finalisée et que la BCE était toujours en discussion avec les banques centrales nationales sur la façon de transmettre ces informations.
Approche interne ou externe (pays du siège versus pays de résidence)
La BCE a concédé qu’il y avait un domaine où elle n’obtiendrait pas forcément les informations souhaitées, à savoir le traitement des données déclaratives des agences et/ou succursales étrangères.
Solvabilité II recourt à l’approche dite « du siège » : les informations afférentes aux agences et/ou succursales basées à l’étranger sont consolidées et incluses dans la déclaration du siège. « Ce n’est pas vraiment l’approche que nous souhaitons adopter concernant les déclarations statistiques », nous a déclaré notre source à la BCE.
« Nous nous intéressons à la domiciliation des établissements, peu importe qu’il s’agisse de sièges, de filiales ou d’agences et/ou succursales. Toutefois, afin de réduire la charge déclarative, nous acceptons cette approche « du siège » de la part des pays qui utilisent le dispositif déclaratif Solvabilité II. » « Les données seront alors adaptées en interne afin de correspondre aux normes statistiques de la BCE », a expliqué notre source.
Des calendriers (presque) totalement harmonisés
Le fait d’avoir pu harmoniser les calendriers des deux institutions a permis de réduire encore la charge de reporting
Pour les entités qui sont tenues à des reportings trimestriels, les calendriers sont identiques : délai de huit semaines après la fin du trimestre en 2016, progressivement ramené à cinq semaines d’ici 2019. Le délai s’appliquant aux déclarations annuelles sera identique : 20 semaines en 2016, progressivement ramené à 14 semaines d’ici 2019. Mais le point de référence pour la déclaration des données est différent. Alors que le délai de reporting d pour Solvabilité II démarre à compter de la fin de l’exercice financier de l’entreprise, le délai de la BCE démarre à la fin de l’année civile. Pour le nombre relativement réduit de cas concernés dans la zone euro, la banque centrale nationale examinera les modalités de reporting avec les compagnies d’assurance.
Données groupe et résultats envisagés à terme
Les exigences de la BCE ne s’appliquent qu’aux sociétés indépendantes, mais comme elle l’indiquait déjà en 2013, la BCE souhaiterait encore plus d’informations. « À terme, la BCE souhaiterait disposer de plus de données sur le secteur de l’assurance, par exemple, des données relatives aux groupes et aux comptes de résultat. »
La liste ne s’arrête pas là, mais le secteur dispose d’un certain répit pour l’instant puisqu’aucune modification des exigences statistiques n’est envisagée avant le second semestre 2016.
Les modifications seront également soumises à une évaluation détaillée de leur bien-fondé et de leurs coûts respectifs, qui permettra de déterminer et de mesurer les besoins des utilisateurs au regard des coûts de production de ces nouvelles statistiques. Mais notre source à la BCE l’a bien souligné : « Deux des futures exigences prioritaires seront les données groupe et les comptes de résultat ».
Intégration dans le flux de reporting
Grâce à la publication récente du dernier règlement de la BCE, nous savons maintenant ce que veut la BCE et connaissons les éléments qui s’ajoutent aux exigences de reporting au titre de Solvabilité II, ce que l’on appelle les « compléments BCE ». Ce que nous ne savons pas encore précisément, c’est comment les compléments BCE seront intégrés au flux de reporting de Solvabilité II et, dans une certaine mesure, quels assureurs ils affecteront précisément.
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Cet article a préalablement été publié en anglais le 26/01/2015. Toutes les citations directes doivent être confrontées à leur version originale en anglais.
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