Solvabilité II : hypothèses et réalités

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Cet article a préalablement été publié en anglais le 13/7/2014. Toutes les citations directes doivent être confrontées à leur version originale en anglais.

COMMENTAIRE

Cette année, le débat a porté essentiellement sur l’élaboration des rapports. Une pléthore d’enquêtes, de communiqués de presse, d’évènements et de tweets a envahi l’univers de Solvabilité II, comme les abeilles au début du printemps. En réalité, rien de bien nouveau sous le soleil. La plupart des problèmes liés à l’élaboration des rapports d’actifs ont été identifiés et formulés de façon assez détaillée il y a deux ou trois ans, et ce à l’époque des premières consultations de l’EIOPA sur les Modèles de Rapports Quantitatifs (QRT).
De nombreuses entreprises affirment être bien avancées dans la préparation du Pilier I et ne devraient pas tarder à être prêtes pour le Pilier II. Il est cependant difficile – excepté pour les Pays-Bas et certains marchés nordiques – d’établir avec exactitude le nombre d’ORSA qui ont été réalisés ou le nombre de rapports ORSA examinés par les régulateurs. Le Pilier III, le « pilier oublié » comme je l’ai surnommé, connaît actuellement son heure de gloire. Conformément aux prévisions, les entreprises (et encore une fois les régulateurs) seront prêtes à la date d’entrée en vigueur, le 1er janvier 2016.
Mais comme dirait Colombo, il « reste une dernière petite chose » à régler. Cette confiance repose en grande partie sur des hypothèses et des estimations concernant la quantité de travail à fournir pour obtenir les données sur les actifs, conformément au Pilier III. Celles-ci pourraient s’avérer très (très) éloignées de la réalité.
Les entreprises ont mené quelques expériences sur le SCR (capital de solvabilité requis), les modèles de calculs internes, l’ORSA et les variations des rapports ORSA (y compris dans certains cas les rapports quantitatifs publics et privés). Ceux-ci sont basés en partie sur les données réelles, mais le plus souvent sur des estimations et approximations. L’hypothèse repose principalement sur l’idée que les données « réelles » pourront être facilement remplacées « le moment venu ». Ce qui pose un problème – un très (très) gros problème.
Je navigue dans l’univers de Solvabilité II depuis plus de trois ans. Depuis 2011, Solvency II Wire publie des rapports sur la transparence et ses difficultés en donnant beaucoup de détails, mais à ce jour je n’ai toujours pas rencontré d’assureur, ou de personne connaissant un assureur ayant réalisé l’intégralité de son exercice d’élaboration de rapport (y compris la transparence) et ayant été en mesure de le reproduire selon la fréquence et les délais requis sous Solvabilité II.
Dans les diverses associations, je me suis entretenu avec de nombreuses personnes sur la question de la gestion des actifs et des assurances relativement au Pilier III. Aucune d’entre elles n’a pu me citer un seul nom d’assureur qui, à leur connaissance, ait pu réaliser son exercice de reporting et sa transparence selon les exigences de Solvabilité II. Pas même au Danemark ni au Royaume-Uni. Une personne a même éclaté rire lorsque j’ai posé cette question… plus par désespoir qu’autre chose.
Le problème, c’est que l’obtention de ‘données réelles’ s’avère beaucoup plus difficile que prévu. Tous ceux qui ont œuvré activement pour fournir des solutions transparentes découvrent actuellement l’ampleur de la tâche – sans doute supérieure à ce qu’avaient prévu et annoncé ses pires détracteurs (quelles qu’aient été leurs motivations).
Ce qui mène à un tel degré de perplexité (ou de panique ?), c’est le fait que Solvabilité II nécessite une cohérence des données sur les trois piliers. Autrement dit, les données utilisées dans le Pilier III doivent être identiques à celles qui sont utilisées pour les calculs de capitaux et l’ORSA. Or, il ne devrait y avoir qu’« une seule vérité » en ce qui concerne les chiffres.
On tente de nous faire croire, à grand renfort de médias, qu’il s’agit là du seul gros problème lié à son application. Deux aspects viennent contredire cette présentation de la réalité. Premièrement, le rapport narratif, qui représente un problème non moins important. Discutez avec des assureurs qui ont effectué un rapport ORSA dans son intégralité, et ils vous expliqueront combien il peut être malaisé de décrire les résultats issus des données ou de définir certains risques non quantifiables (par exemple les risques liés à la réputation). Ce problème est renforcé par le fait que la majeure partie de ces informations doit être accessible au public. La différence, c’est que les cellules QRT n’acceptent qu’une seule valeur qui doit être ajustée et validée, alors que le texte accorde beaucoup plus de flexibilité.
Deuxièmement, comme les superviseurs s’empressent de le faire remarquer, le rapport des données quantitatives concerne autant le traitement des données que leur gouvernance. Placer le bon chiffre dans la bonne case est certes important, mais le superviseur voudra également en connaître la provenance et vous demandera de montrer que vous avez compris l’opération. Vous devrez indiquer pour quelle raison vous avez choisi ce chiffre plutôt qu’un autre : cela, aucune formule ni aucun outil XBRL ne pourra le faire à votre place.
Il conviendrait également de porter notre attention sur l’état d’esprit des assureurs. J’ai la nette impression que quelque chose s’est produit après le ralentissement de fin 2012, marqué par la réémergence de l’incertitude politique. De nombreuses entreprises ont fait appel à des consultants externes et ont poursuivi la préparation de Solvabilité II en interne, tandis que certains projets étaient réévalués comme d’autres projets courants. Cette expérience a dû donner à réfléchir. Aujourd’hui, elles poursuivent leur travail de reporting et appliquent les mêmes critères à tout nouveau projet alors que le souvenir est encore frais dans leur mémoire. En faisant état du besoin de gouvernance et d’une meilleure compréhension des données, on brosserait un tableau plus réaliste de la situation actuelle.
Au vu de ces considérations, il serait hasardeux de décrire avec précision l’état de préparation de la sphère Solvabilité II. J’ai l’intuition qu’à un certain moment, probablement vers la fin de l’année, l’écart entre les hypothèses et la réalité deviendra évident et mettra en péril les plans de travail basés sur des prévisions exagérément optimistes. Dans cette attente, si vous êtes assureur ou si vous connaissez un assureur qui a réussi à réaliser son exercice de reporting – y compris la transparence intégrale – n’hésitez pas à me contacter.

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Cet article a préalablement été publié en anglais le 13/7/2014. Toutes les citations directes doivent être confrontées à leur version originale en anglais.
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