Solvabilité II : harmonisation ou destruction ?

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Cet article a préalablement été publié en anglais le 10/6/2011. Toutes les citations directes doivent être confrontées à leur version originale en anglais.

Le paradoxe de Solvabilité II pour les PME

Sign question - Solvency II WireIl y a une sorte de paradoxe inhérent à Solvabilité II lorsqu’il s’agit des petites entreprises. D’un côté, la réglementation aspire à harmoniser le marché européen de l’assurance, tandis que d’un autre côté, elle doit permettre au marché de fonctionner librement et sans distorsion. Cette dernière condition implique de protéger la diversité et de permettre aux petites compagnies de s’épanouir et de fournir des services de qualité et de proximité. La manière dont une règlementation unique pour tous peut atteindre cet objectif reste un mystère.
Pour atténuer ce paradoxe et créer une réglementation à la fois uniforme et qui permet néanmoins aux entreprises plus petites de prospérer dans le paysage européen de l’assurance, un principe de proportionnalité a été introduit.

Proportionnalité

En 2002, lorsque l’on en était aux prémices de Solvabilité II, le « Sharma Report » ainsi que l’étude de KMPG, qui ont guidé en grande partie la réflexion au départ, ont souligné l’importance de maintenir la nature du secteur et les dangers de la solution unique.
Il est stipulé dans la Directive que, « La Commission doit s’assurer que la mise en œuvre des mesures prenne en compte le principe de proportionnalité, garantissant ainsi l’application proportionnée de cette Directive, en particulier pour les petites compagnies d’assurance. »
Solvabilité II est supposée être appliquée proportionnellement à la taille, à la nature et à la complexité des risques de la compagnie : nombreux sont ceux qui pensent que ce n’est pas le cas, en partie parce qu’ils attendent toujours des explications sur l’application pratique du principe.

Non seulement excessif mais également inefficace

La proportionnalité est cruciale pour la survie des petites entreprises sous la nouvelle réglementation, « Généralement, les PME ont des structures et des profils de risque simples », indique le Comité européen des assurances, CEA (désormais appelé Insurance Europe) dans un rapport publié cette année. « Une application stricte des exigences actuelles des Piliers II et III aux PME risque d’être trop lourde et entraînerait, de fait, le paiement de coûts excessifs et inutiles par les assurés. »
Le rapport du CEA souligne un certain nombre d’inquiétudes :
La divulgation ne sera effective que si quelqu’un lit le rapport, mais la divulgation actuelle est trop complexe et détaillée. Les assurés ne vont probablement pas lire et comprendre des documents financiers complexes et de nombreuses PME sont trop idiosyncratiques pour que les analystes ou les médias s’y intéressent. En remplacement, le CEA propose un rapport synthétique.
De même, il avance que l’information prudentielle est également trop complexe et peu utile pour les régulateurs étant donné les « structures et les profils de risque plus simples des PME ».
Dans le contexte de la gouvernance, les régulateurs devraient appliquer la proportionnalité en vue d’atteindre les objectifs sous-jacents, et tenir compte du fait que dans les petites entreprises les connaissances sont plus largement partagées. Les personnes devraient donc pouvoir jouer plusieurs rôles. L’accent devrait être mis sur la capacité d’une personne à effectuer une tâche particulière plutôt que sur sa qualification spécifique.
L’on s’inquiète également du fait que l’ORSA puisse devenir un « modèle interne détourné » et que les régulateurs devraient permettre aux compagnies de développer un processus ORSA qui reflète leurs besoins.

Solvabilité II, une bonne question mais une mauvaise réponse

Arret - Solvency II WireLa ROAM (Réunion des Organismes d’Assurance Mutuelle) est une organisation qui fait entendre sa voix sur les effets de Solvabilité II sur les PME. L’association gère le site Web Stop Solvency 2  avec comme mot d’ordre « une bonne question, mais une mauvaise réponse »
La principale inquiétude de la ROAM est que « de nombreux acteurs ne pourront pas continuer à exercer leur activité ou qu’une chute brutale de l’offre puisse se produire, et que par conséquent, les prix des assurances soient tirés vers le haut dans de nombreux cas, sans améliorer la sécurité des consommateurs », selon son site Web.
Au cours des cinq dernières années, cette association a fait part de ses inquiétudes à propos de la réglementation et a été un fervent défenseur de la transition à la Suisse, où les assureurs et les régulateurs ont eu trois ans de formation avant la mise en œuvre.
La ROAM s’est opposée avec succès, à force de lobbying, à l’utilisation presque exclusive de l’anglais dans les textes associés, ce qui selon elle « a offert un avantage anormal aux anglophones et a empêché les parties prenantes en général de répondre de manière appropriée aux diverses consultations. »

Solvabilité II et PME

AMICE logoAMICE (prononcé a-mee-che), l’Association des assureurs mutuels et coopératifs en Europe, une organisation de tutelle représentant plus de 100 membres, s’est mobilisée pour présenter ses inquiétudes à la Commission.
Silvia Herms, Conseiller principal pour les affaires économiques et financières à l’AMICE, fait remarquer que les ressources sont une contrainte encore plus grande que le capital pour beaucoup de leurs membres. « Dans les petites entreprises, il arrive souvent qu’une personne exécute plusieurs fonctions clés, et alors que les exigences de rapports augmentent, beaucoup de nos membres doivent faire appel à des consultants externes pour faire face à l’augmentation de la charge de travail », a-t-elle déclaré à Solvency II Wire.
Il semble également que dans certains cas, les PME adoptent une attitude attentiste, notamment après qu’un grand nombre d’entre elles ait participé à l’exercice QIS5.
AFM logoSelon Martin Shaw, Directeur général de l’Association of Financial Mutuals (AFM), « Après avoir investi beaucoup de temps et de ressources dans le QIS5, de nombreuses PME sont d’avis qu’elles doivent attendre que la version définitive soit publiée. Cet excès de confiance est mal avisé, » a-t-il dit à Solvency II Wire. Son avertissement arrive en temps opportun, étant donné la riposte du commissaire européen M. Barnier aux critiques du secteur le 1er juin, dans laquelle il affirme catégoriquement : « Solvabilité II entrera en vigueur comme prévu le 1er janvier 2013 ».
M. Shaw note que le scepticisme exprimé est peut-être dû, dans une certaine proportion, à des rapports informels lors de la conférence de la FSA selon lesquels, malgré sa rhétorique implacable sur le délai, la FSA pourrait penser le contraire. Mais, insiste-t-il, les entreprises auraient intérêt à poursuivre les mesures de mise en œuvre pour respecter le délai officiel.

Proposer des solutions

Malgré tout, le fardeau en termes financier et de ressources reste lourd pour de nombreuses petites entreprises et l’AFM développe un certain nombre d’outils partagés pour aider ses membres.
À titre d’exemple, elle a estimé que l’élaboration des rapports imposés par Solvabilité II nécessitera environ deux millions de calculs actuariels, mais que 95 % d’entre eux peuvent être standardisés et ce mêmeà la vue de la diversité des entreprises appartenant à l’AFM. « Nous réfléchissons à mettre au point des solutions partagées, qui permettront aux entreprises de partager des plateformes ou des modèles pour qu’ils obtiennent lerésultat attendu de manière plus économique », explique M. Shaw. L’AFM envisage également un outil d’élaboration de rapports ORSA qui sera basé sur une référence de pairs.
« La FSA a manifesté son intérêt pour ces idées et a exprimé sa volonté de travailler avec nous sur ces solutions », ajoute M. Shaw.

Solvabilité II va-t-elle remodeler le paysage ?

Actuellement, on ne sait toujours pas quel sera l’effet exact de Solvabilité II sur le paysage européen de l’assurance en général, ou la diversité des PME en particulier. Mais peut-être que la raison sous-jacente à la fusion récente de deux sociétés de mutuelles peut présager de ce qui va se passer.
En mars, la société Schoolteachers Friendly Society a fusionné avec le groupe Oddfellows. Dans son avis d’assemblée générale extraordinaire, la société explique la raison de cette fusion, « L’exigence de capital minimum de la Société est actuellement de l’ordre de 700 000 £ alors qu’avec la nouvelle législation de Solvabilité II, l’exigence de capital minimum de la Société augmentera pour atteindre approximativement 3,2 m £ au début 2013.
« Il est à noter qu’aucun changement de profil des méthodes de fonctionnement, des risques ou des dettes de la Société n’a provoqué l’augmentation de l’exigence de capital minimum de la Société. Ceci est uniquement le résultat de la nouvelle législation européenne ».

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Cet article a préalablement été publié en anglais le 10/6/2011. Toutes les citations directes doivent être confrontées à leur version originale en anglais.
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